lundi 4 août 2014

L’embargo, l’ultime arme de Poutine face aux sanctions internationales

 
 
 
 
 
 
 
Depuis le durcissement des sanctions occidentales contre Moscou, les autorités russes décrètent chaque jour un nouvel embargo sur des produits en provenance d'Europe ou des États-Unis. Une guerre au grand dam des consommateurs.
"Tenir un homme par le ventre." Cet adage, la Russie a décidé de le mettre en pratique, en interdisant des produits européens et américains sur son territoire. Depuis le durcissement des sanctions à son encontre, le Kremlin a décidé de répliquer en visant directement les assiettes. Lait, fromage, oignons d’Ukraine, pêches de Grèce, prunes de Serbie, pommes et choux de Pologne, viande d’Espagne… Ce n’est désormais plus dans le sud de l’Ukraine que la Russie dégaine ses armes, mais sur le terrain commercial.
Et à chaque jour suffit son produit interdit, sous couvert de motifs sanitaires et de "protection des consommateurs". Selon Rosselkhoznadzor, l’agence sanitaire russe, tous ces produits contiennent des substances nocives, sont infectés par de dangereuses bactéries ou ne respectent pas les normes réglementaires.
Lundi 4 août, c’est le bourbon fabriqué aux États-Unis qui risque de rejoindre les fruits et légumes polonais, déjà interdits vendredi. "Des phtalates, qui peuvent provoquer des bouleversements fonctionnels et organiques dans le système nerveux central et périphérique, dans le système endocrinien, ainsi que le cancer et des problèmes d'infertilité chez les hommes et les femmes, ont été trouvés dans" ce whisky américain, indique l'agence sanitaire russe.
"Il s’agit en réalité bien évidemment d’une réaction aux sanctions, c’est la continuité de la politique par d’autres moyens. Toutes ces mesures ressemblent à une vengeance contre des pays perçus comme hostiles", explique l’économiste russe Konstantin Kalachev, interrogé par l’AFP.
Un régime 100 % russe
Les consommateurs, qui pensaient échapper au conflit opposant l’Ukraine à la Russie, le retrouvent finalement dans leur assiette. Les Russes pourraient ainsi devoir dans quelques jours consommer du 100 % russe, ou du russe "friendly".
"Outre leurs effets économiques, ces mesures ont un effet plus large de propagande : l’autarcie pour la Russie et la substitution de ses importations par une production domestique, estime Konstantin Kalachev. Ces mesures sont soutenues par la majorité de la société russe car la population n’a pas l’impression d’en souffrir."
La Russie est souvent accusée d’utiliser l’arme commerciale, notamment en invoquant des motifs sanitaires, comme moyen de pression diplomatique sur ses voisins. Si le pays figure parmi les premiers producteurs mondiaux de lait, de pommes de terre ou de céréales (25,4 millions de tonnes de céréales exportées cette année), les supermarchés de Moscou regorgent aussi de produits alimentaires importés.
Pas sûr, donc, que les Russes acceptent longtemps de troquer leur bourbon pour de la vodka. Et leur McDo pour un bœuf Stroganoff. Le géant américain de la restauration rapide est en effet dans le collimateur des autorités sanitaires russes, qui ont demandé devant la justice l'interdiction de plusieurs de ses produits en raison d'"infractions sur les normes de sécurité et de valeur énergétique".
"Le ministre des microbes étrangers"
La raison évoquée par les autorités russes pour ces interdictions est toujours la même - la protection des consommateurs et la santé de la population -, à l’exclusion de tout motif politique.
"Quelle décision politique ? L’Ukraine est un pays où il y a la guerre, où la sécurité des citoyens ordinaires n’est pas assurée, où des gens sont tués. Ils n’ont pas de produits de qualité. Pourquoi devrions-nous importer de la viande, par exemple, [d’animaux] qui ont été tués par des tirs de mortier ?" a lancé, mercredi, Nikolaï Pankov, responsable du Comité parlementaire sur l’agriculture.
En invoquant des motifs purement sanitaires pour ses interdictions, l'agence sanitaire russe rapproche sa rhétorique de celle de l’agence russe de protection des consommateurs, dont l’ancien chef Guennadi Onichtchenko a été ironiquement surnommé par la presse "ministre des microbes étrangers", lors de conflits commerciaux précédents.
source: France24

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